Le manque d’exposition à la lumière naturelle et un faible taux sanguin d’un pigment présent dans l’alimentation auraient un rôle dans la survenue de la myopie, de plus en plus fréquente
La théorie qui veut que la multiplication des myopes soit due au manque d’exposition à la lumière du soleil sort renforcée d’une vaste étude européenne. Les résultats publiés cette semaine dans le JAMA Ophthalmology, une revue médicale internationale, soutiennent également la piste nutritionnelle. Ils soulèvent en effet la possibilité d’un effet protecteur de la lutéine, un pigment de l’alimentation, alors que la vitamine D se révèle décevante.
Depuis une dizaine d’années, les hypothèses ne manquent pas pour tenter d’expliquer d’où vient «l’épidémie de myopie» qui se répand aux quatre coins du monde. Dans les zones urbaines de certains pays d’Asie comme Taïwan, Singapour, le Japon ou la Corée, désormais près de 90 % des étudiants sont myopes à la fin de leurs études. À l’échelle mondiale, on estime désormais que près d’un quart de la population est myope et que ce sera le cas de la moitié du globe en 2050.
Car la part d’hérédité liée à la myopie ne suffit évidemment pas pour expliquer les évolutions rapides de la fréquence de la myopie. En France, on estime par exemple que la prévalence est passée de 20 à 40 % en une dizaine d’années seulement. À Singapour, la même multiplication des myopes se produit depuis dix ans, aussi bien chez les habitants d’origine malaise que les Indiens ou les Chinois.
3000 personnes âgées de plus de 65 ans recrutées
Cette évolution rapide a poussé les chercheurs à regarder plutôt du côté de l’environnement et des comportements. Ont été successivement mis en cause les excès de lecture, de télévision, d’ordinateurs et d’autres appareils électroniques. Mais l’un des paramètres qui reviennent régulièrement dans les différentes études invite à prendre le problème dans l’autre sens. Au lieu de se contenter de chercher ce que l’on fait plus aujourd’hui qu’hier, les épidémiologistes ont décidé de s’intéresser à ce que l’on ne fait plus.
Plusieurs études chez les enfants et les adultes jeunes ont ainsi retrouvé une augmentation de la fréquence de la myopie avec la durée des études et un effet protecteur du temps passé à l’extérieur, mais sans que l’on puisse expliquer clairement par quel mécanisme. Il se pourrait que ce soit la dopamine, un neurotransmetteur, qui joue un rôle crucial, sous l’effet des ultraviolets de la lumière naturelle, pour permettre une croissance harmonieuse du globe oculaire, en particulier de la naissance à l’âge de 20-25 ans. En reprenant les comparaisons d’analyses (méta-analyses) les plus solides publiées sur ce sujet, une équipe de l’université de Cambridge a ainsi pu calculer il y a quatre ans que pour chaque heure passée dehors par jour, les enfants et jeunes adultes de moins de 20 ans réduisaient de 13 % leur risque de myopie.
Pour la nouvelle étude, menée sous la houlette du Pr Astrid Fletcher, de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, plus de 3 000 personnes âgées de plus de 65 ans ont été recrutées dans sept pays d’Europe: Norvège, Estonie, Royaume-Uni, France, Italie, Grèce et Espagne. Les chercheurs ont étudié la vision, le mode de vie, les antécédents médicaux et des dosages sanguins de 371 personnes myopes et 2 797 non myopes. Ils ont aussi recherché s’il existait une association de la myopie avec la quantité estimée d’exposition aux rayons ultraviolets B (UVB) au cours de la vie et avec le taux de vitamine D, et d’autres produits, dans le sang.
Une absence de lien avec le taux sanguin de vitamine D
«Nous avons découvert qu’une exposition annuelle importante aux rayons UVB, directement liée au temps passé dehors et à l’exposition au soleil, était associée à une réduction du risque de myopie», écrivent les auteurs. Surtout pour des expositions avant l’âge de 30 ans. À l’inverse, une augmentation du risque de myopie apparaissait en parallèle de l’allongement des études, même après avoir tenu compte du temps passé dehors.
L’absence de lien avec le taux sanguin de vitamine D est un peu plus surprenante, même si les résultats d’autres études étaient déjà discordants. Toutefois, l’étude met en évidence un plus faible taux de myopie dans le groupe des individus ayant le plus fort taux sanguin de lutéine. Il s’agit d’un pigment antioxydant, particulièrement présent dans la zone de la rétine qui permet la vision centrale, la macula, et qui pourrait avoir un caractère protecteur face à l’agression que peuvent représenter les rayons solaires.
Il n’est cependant pas possible de conclure sur le rôle de la nutrition car les taux sanguins mesurés après 65 ans ne sont pas forcément corrélés à ceux qu’ils étaient avant, d’autant que les habitudes alimentaires peuvent avoir évolué.
D’un autre côté, une alimentation diversifiée comportant des apports en lutéine ne présente pas de risque particulier pour la santé en général et pourrait peut-être se révéler bénéfique à la santé de l’œil. Quant au conseil d’être plus souvent dehors, il recèle encore moins de contre-indications. À condition de protéger sa peau et sa rétine lorsque l’ensoleillement est trop important.
La lutéine, un pigment pour protéger la vision?
La lutéine est un pigment caroténoïde, qui est présent notamment dans les légumes vert foncé tels que le chou vert et les épinards. On en trouve aussi en moins grande quantité dans les courges, le brocoli, les pois verts ou le maïs en conserve.
Ses effets protecteurs sur l’œil ont déjà été observés sur d’autres pathologies que la myopie, notamment la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). En filtrant notamment la lumière bleue, très énergétique, la lutéine réduirait l’impact des radicaux libres sur la rétine. Le fait qu’une nouvelle étude montre un taux de lutéine plus élevé dans le sang de ceux qui ont le moins de risque de myopie est en revanche un peu plus surprenant et devra être confirmé.
En attendant, il est possible de veiller à en introduire dans son alimentation, d’autant plus que la consommation est habituellement de 1 à 2 milligramme par jour (mg/j) dans les pays industrialisés, alors que les besoins seraient plutôt compris entre 6 et 10 mg/j.
Source: http://sante.lefigaro.fr/article/passer-du-temps-dehors-reduit-le-risque-d-etre-myope